La Ville au plafond de verre by Romain Delplancq

Auteur:Romain Delplancq [Delplancq, Romain]
La langue: fra
Format: epub
Tags: FICTION / Fantasy / Général
Éditeur: Les Éditions de l'Homme sans nom
Publié: 2023-11-02T23:00:00+00:00

19

ISTVEN

SEUL

31 MARS

Le banc était gelé. La brique des murs était glaciale. La soupe était froide. L’ambiance était morne.

Pourtant Istven suait et brûlait. La couverture en lin dont le geôlier lui avait fait grâce n’étouffait pas les frissons qui l’avaient pris d’assaut depuis qu’on l’avait séparé des autres pour lui faire traverser le pont Diram II vers le quartier des Forges sous une pluie battante. Au bout de la trentième minute de marche, Istven commençait déjà à sentir poindre la fièvre.

Les autres ? Les miliciens les avaient emmenés dans le Jardin des Glaces. Non qu’il eût eu clairement l’occasion de les y voir disparaître, dans les ténèbres conjuguées de la nuit et de l’orage ; le tintement de la clef et le grincement de la grille du jardin avaient suffi.

Il ignorait pourquoi on les avait séparés. Les hommes avaient gardé un silence aussi net que leurs uniformes ; une discipline et une rigueur rarement déployées par les miliciens qu’Istven avait pu connaître. À cela, il avait saisi que les hommes qui l’emmenaient ne venaient pas de la milice des Saules, mais des Forges. Et c’était bien dans un des postes de la milice des Forges qu’on l’avait enfermé.

Ils s’étaient montrés polis. Attentionnés, même, pour des miliciens : le jeune homme ne s’était fait bousculer que deux ou trois fois sur le chemin. Istven, contrairement à beaucoup de ses anciens camarades de jeu, n’avait jamais fréquenté les cellules de la milice, mais il en savait autant que n’importe quel verrier. Et même aujourd’hui, avec le Velast à leur tête, les miliciens des Saules ne distribuaient aux détenus ni couverture ni bol de soupe – même froide.

Istven se dit qu’il avait eu de la chance. Il se demanda ce qui était arrivé aux autres. Il se demanda si quelqu’un allait venir.

Enik, peut-être.

Ou Katlik ? L’étudiante pourrait peut-être le faire sortir. Il avait été trop sec avec elle. Il le regrettait un peu. Sans doute ne lui en tiendrait-elle pas trop rigueur ? Il avait, après tout, mené son expérience jusqu’au bout. Qui avait gardé le cylindre, d’ailleurs ? Il ne s’en souvenait pas. Katlik, sûrement. Il lui demanderait quand elle arriverait.

Il se souvint alors que non, que Katlik avait aussi été avec eux à l’entrepôt. Les autres miliciens l’avaient emmenée. Elle ne viendrait pas, en tout cas, pas cette nuit.

La fièvre montante encrassait son esprit.

Istven s’ébroua, fit quelques pas, tourna en rond dans sa cellule, se pencha aux barreaux pour observer le couloir au bout duquel il se trouvait. Trois autres grilles s’y succédaient de part et d’autre ; vides, pour autant qu’Istven pût en juger. Il était seul.

Et jamais cela ne lui avait fait peur comme aujourd’hui.

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